Léa Bismuth
​
Texte d’accompagnement à l’exposition Solutions imaginaires, Palais du Roi de Rome, Rambouillet
Du 7 juillet au 17 septembre 2023
​
​
Qu’appelle-t-on « solutions imaginaires » ? De quelle énigme est-il question ? Et de quelle manière les puissances de l’imaginaire permettront-elles de nous souffler la résolution ? Une solution n’est-elle pas aussi, en biologie, un précipité induisant une métamorphose de la matière ? Le titre donné à cette exposition est emprunté à Alfred Jarry : d’emblée, il invite à élargir notre perception et notre regard, tout en frayant la voie aux projections mentales. Pour peindre ses toiles, Giorgio Silvestrini crée des mises en scène d’objets, en utilisant des silhouettes de tissus, des marionnettes et des mannequins, des masques, des fragments prélevés à la vie quotidienne, ou des formes plus symboliques qu’il trouve au gré de ses glanages. Il opère ensuite par agencement et recomposition minutieuse (en utilisant exclusivement de la peinture à l’huile) afin d’ouvrir les possibilités de l’image, mais également afin de générer une ambiguïté dans la conscience des spectateur.rice.s. Les toiles restent silencieuses, certaines sont troublées par une inquiétude non-dite, ou encore par une tension difficile à cerner.
Le peintre aime les images cachées dans le tapis, la libre association d’idées, l’inquiétante étrangeté. En cela, on pourrait aisément rapprocher son travail du courant du réalisme magique, en une alliance des formes les plus quotidiennes et des illusions les plus oniriques. Car, en redonnant une dignité à la moindre chose, en dotant de lyrisme les formes les plus humbles, il s’agit de révéler le potentiel poétique d’un bout de chiffon ou d’une balle de tennis. Regardons ces fumées apparaitre comme pour signifier qu’il va se produire quelque chose d’inattendu. Prenons la mesured’un paysage : est-il marin, terrestre, ou fantastique ? Souvent, le ciel se confond avec la mer, ou alors est-ce l’inverse. Là, les arbres deviennent coraux. Ici, un coquillage s’installe dans un terrain vague de drapés. Un mannequin de tissu s’incarne en un grand portrait au visage absent. L’artiste revendique un savoir-faire de bricoleur, faisant avec ce qu’il trouve, des bouts de ficelle, des morceaux de meringues découvertes à la boulangerie, des fragments photographiques capturés lors de ses visites d’expositions. Le bricoleur est celui qui ne sait jamais à l’avance ce qu’il va obtenir : il abrique avec les moyens du bord, jusqu’à ce que la composition se stabilise, en inventant son propre trésor. Giorgio Silvestrini aime à parler de « suspension d’incrédulité »: et face aux toiles, il nous demande de croire à ce que l’on voit, de nous laisser prendre par ces scénettes aux gestes arrêtés. Il y a, dans ces toiles, une scène possible pour une révélation, de même que l’accueil d’une réalité en suspension.
​​
​​​
​
​​
​​
Benoît Blanchard​
​
Texte d'accompagnement à l'exposition Inventario, Galerie de Bayser, Paris
novembre 2023
​
​​
​​
Giorgio Silvestrini a le goût des étoffes, presque toute son œuvre pourrait, en pensée, prendre place dans un coffre : un coffre de mariage, tels que celui où une servante passe la tête au second plan de la Venus d’Urbin de Titien. Là, au milieu des robes, des tentures et des nappes aux couleurs haptiques, Silvestrini réalise l’inventaire d’un monde invisible.
Le coffre est le lieu clos de tous les fantasmes et de toutes les règles. Ce paradoxe qui n’a pas échappé aux peintres est à l’image de ce que permet la contemplation d’un tableau. C’est tout particulièrement le cas de ceux de Silvestrini. Il construit des espaces fermés, souvent capitonnés de riches textures qui pendent et se plissent sans jamais donner avec certitude la raison de leur présence. Celles-ci recueillent en leur sein divers objets, souvent triviaux, parfois plus personnels. Ici, balles de ping-pong, origamis et céramiques. Plus étranges, il leur arrive aussi d’être le théâtre d’apparitions indéterminées, comme celle de petits monticules pointus aux couleurs vives qui semblent en gestation. Des formes en coexistence, mi terreau, mi cendre, dont la nature tient plus à celle de nos pensées qu’à tout objet connu.
Enfin, les tissus n’exhibent parfois que leurs plis et replis, ne montrent rien d’autre que le creux en eux formé pour accueillir la forme rêvée. Celle dont la vision ne s’est pas encore stabilisée dans l’esprit. La forme contenue en puissance dans le subtil équilibre entre vie et artifice que met en place Silvestrini dans ses tableaux.
​​
​​​
​​​​
​​
​
Bettie Nin
​
Communiqué de presse de l'exposition Flaneries ludiques, CAC La Traverse, du 27 juin au 6 julliet 2019
​​​
Chez Giorgio Silvestrini, il y a ces objets savamment mis en scène : des assemblages insolites d’objets décalés… et puis ces couleurs fortement contrastées : le bleu, toujours présent, accompagne des teintes chaudes en jaunes, rouilles ou mauves. Les clairs-obscurs sont veloutés, les lumières diffuses, les ombres importantes. C’est que l’artiste italien se plait à dépeindre l’étrangeté.
​
​​
Entretien - Cet entretien entre l'artiste et la commissaire a eu lieu en mai 2019
​
Bettie Nin – Tes peintures montrent des mises en scènes d’objets qui évoquent des songes éveillés. Est-ce que tu construits consciencieusement tes images avant de les peindre ou te laisses-tu aller à la rêverie ?
Giorgio Silvestrini - Au départ mes idées ne sont pas arrêtées et c’est petit à petit, étape par étape, que la composition s’installe sur la toile. Dans ma quête de construction de l'image il y a d'abord un moment de libre association d'idées où je joue avec les formes, avec les objets, en faisant des maquettes, des sortes
de bricolages. Ce moment qui précède la peinture est à la fois très ludique et instinctif. Puis avec la peinture, mon approche devient plus contemplative et réfléchie. Quand j'ajoute une nouvelle partie, un nouvel élément sur la toile, c'est assez calculé. Il me faut du temps pour me rendre compte de la pertinence de mes choix...
BN – Certains objets apparaissent de manière récurrente... comme si tu t'étais constitué un répertoire de formes, une grammaire personnelle... D'où viennent ces objets et quel rapport entretiens-tu avec eux ? Viennent-ils de ton enfance ? Sont-ils des objets trouvés ? Des objets fabriqués par toi ?
GS – Ils viennent de différents endroits. Certains me suivent depuis longtemps, d'autres sont des acquisitions récentes mais, dans tous les cas, ce sont des objets que j'ai choisis parce qu'ils me semblaient intéressants. Leurs textures, un motif particulier, la façon dont la lumière se reflète sur leurs surfaces, leurs
caractéristiques, leurs qualités sensorielles... m'a donné envie de les traduire en peinture.
BN – Cette traduction en peinture est à la fois mentale et sensuelle...
GS – Oui, j'aime bien cette synthèse, l'idée d'être entre les deux. Pour moi le côté sensuel est dans la relation aux objets dont je parlais tout à l'heure et le côté mental est dans le moment plus contemplatif, un peu plus raisonné, de l'acte de peindre et de la construction de l'image.
BN – Tes tableaux évoquent pour moi des paysages métaphysiques... Ils semblent dire quelque chose de ta psychologie intime…
GS – Peindre est une façon de créer mes propres univers. C'est aussi ma façon de parler du monde. Les univers que je crée agissent comme un filtre. La peinture me permet de parler du monde sans le faire de façon directe mais plutôt en empruntant une réalité factice et très personnelle. Mes images sont à la fois assez
concrètes parce qu'on peut y reconnaître chaque objet, et qu'ils sont peints de manière réaliste, mais elles ont aussi un côté onirique. En mettant ensemble les éléments, je crée un temps suspendu. J'ai vraiment cette volonté de travailler avec des objets ordinaires, et de les transformer, de jouer avec eux, en les posant
dans ce lieu de l'esprit qu'est le tableau.
BN – Il n'y a pas toujours de spatialité dans tes arrières-plans. Il y a parfois une perspective mais souvent les fonds sont flottants…
GS - J'ai un rapport personnel à la spatialité. La plupart du temps j'évite la confrontation avec l'espace en perspective, avec la profondeur, comme celle que l‘on voit dans la peinture occidentale classique. Je l'évite pour créer une frontalité des objets comme sur une scène de théâtre sans décor, sans repères derrière. Je
ne mets parfois même pas de plateau. Il y a seulement un fond uni et des objets directement et très frontalement présents. J'aime bien cette façon de travailler parce qu'elle renforce le côté énigmatique d’objets ordinaires. Parfois je préfère qu'il n'y ait pas d'ombres ou alors je peints des ombres très très longues, très très
contrastées... Des ombres qui suivent une logique réelle mais qui nous ramène, tout de suite, dans un espace mental. J'aime aussi travailler avec des tables en contre-plongée, avec un point de vue très haut. Les objets ont l’air presque collés sur la surface comme ça... La toile est un espace mental où je peux disposer des
éléments qui, pour une raison ou une autre, me sont chers. Il y a le côté concret et sensuel, ancré à la réalité, de chaque objet mais l'espace qui les lie ensemble, lui, est un lieu de l'esprit...
BN – … qui évoque un rêve ?...
GS – Oui, mais un rêve qui prend sa source dans la vie. Je ne peints jamais directement depuis mon imaginaire mais toujours d'après l'observation des maquettes
​
​
Benoît Blanchard
​
​Texte pour le catalogue de l'exposition Fantôme - trois, 2022
​
Les tableaux de Giorgio Silvestrini sont construits telles des mises en scène où l’action s’est arrêtée. Ils sont peuplés d’indices muets, animés d’une vie intérieure indifférente au récit que l’on cherche à leur faire dire. Les drapés côtoient les balles de ping-pong, des oiseaux de papier se sont échoués, d’autres volent aux bras de grands mobiles. II règne parmi eux une atmosphère d’été côtier, méditerranéen, une atmosphère chargée d’un air sec et presque raréfié, un air silencieux, quand bien même celui-ci serait venu trouver refuge dans l’ombre d’une pièce aux volets fermés. Là, le regard rencontre le rêve, l’étonnement marche lentement dans ces espaces clos, il va de l’un à l’autre, comme porté par le cours d’une histoire qu’il n’entend pas mais qui agit en lui.Ainsi, pénétrer dans les tableaux de Giorgio Silvestrini donne au temps une texture où il semble s’abolir. Les arrangements d’objets etd’idées que l’on y rencontre décélèrent le monde : là, les souvenirs prennent autant de place que les sensations, les projections plongent dans les expériences passées, se crée un effet d’apesanteur dans lequel l’esprit est amené à la contemplation de sa propre action. Les fantômes apparaissent. Ils ne sont plus si différents de nous; ils sont notre devenir.
​​
​
Judicaël Lavrador
​
Dossier Peinture contemporaine
Beaux Arts Magazine, février 2016
​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​
​
​
​
François Salmeron
​
Communiqué de presse pour l’exposition personelle Autoreverse à la galerie Eva Hober, 2018
​​​​​​
​​​
Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie Eva Hober, Giorgio Silvestrini présente un nouvel ensemble de toiles dont les mises en scène, inspirées des natures mortes classiques et de la peinture métaphysique, accueillent des maquettes construites par l’artiste, des reproductions d’œuvres d’art historiques et, pour la première fois, des figures humaines.
Réalisées avec des baguettes de bois, des morceaux d’étoffes colorées ou des papiers froissés, les maquettes de Giorgio Silvestrini imitent des fleurs fluettes, des branches, des plantes grasses, des nuages ou de frêles marionnettes. Disposées sur des tables et des drapés, que l’artiste représente en plongée, elles dialoguent avec des sculptures de petit format (Derain, Giacometti, Arturo Martini…), que l’artiste aura photographiées puis peintes sur la toile. L’ensemble offre des associations d’objets mystérieuses, où de subtiles correspondances formelles se laissent deviner… Par exemple, des motifs de tissus rayés se répondent d’une peinture à l’autre. Et, dans Sarabanda, la conjugaison de matières dures et douces crée au contraire un oxymore, à travers une plante aux feuilles revêches empotée dans un vase couvert de velours. Les couleurs pastel, qui rappellent la tempera des fresques de la Renaissance italienne, associées à un éclairage diffus, harmonisent enfin les compositions de Giorgio Silvestrini, et nous plongent dans une atmosphère feutrée.
Mais si un grand soin est porté à la texture des choses, à travers un patient exercice d’observation, l’œuvre de Giorgio Silvestrini révèle toute son originalité dans la mise en espace des objets représentés. Soit un espace compris comme une scène de spectacle où défilent arlequins, pantins et marionnettes. Ou un espace vu comme un théâtre de l’absurde où les combinaisons d’objets, et les associations d’idées qu’elles suscitent, laissent le spectateur suspendu à des énigmes irrésolues… Les natures mortes de Giorgio Silvestrini sèment néanmoins quelques indices, et dévoilent les artifices sur lesquels elles reposent. En effet, château de cartes, balles et mikados suggèrent symboliquement que tout y est jeu de construction. Alors qu’un rideau sombre se découvre et révèle que la nuit étoilée, déployée à l’arrière-plan de trois vases délicats, n’est qu’une illusion…
Plus remarquable encore, les tables sur lesquelles se dressent les natures mortes sont représentées avec une ligne d’horizon haute. Et les bibelots, plantes et sculptures qu’elles accueillent, semblent juxtaposés les uns aux autres sans épouser tout à fait le même point de vue. Giorgio Silvestrini bouscule alors les codes de la perspective classique. Il privilégie une mise en espace plus complexe, à la faveur d’une perspective « inversée », de plans perçus en plongée, et d’objets disposés frontalement sur la surface de la toile. « Ce qui m’intéresse, c’est de voir ce qui arrive lorsque tel et tel objets sont représentés l’un à côté de l’autre. Et de voir quelle force, quelle dynamique se met en place », indique l’artiste, qui joue avec les différentes significations du titre de son exposition. En effet, Auto-Reverse peut se comprendre comme un autoportrait du peintre à travers les objets qu’il affectionne et combine, dont le sens habituel se trouve renversé, à l’image de la perspective dans certains de ses tableaux.
Cependant, la signification des peintures de Giorgio Silvestrini ne se limite pas aux relations spatiales qu’il tisse entre les objets. Une dimension mystique et spirituelle habite également ses œuvres, à l’instar des natures mortes du Siècle d’or espagnol, et de Francisco de Zurbarán, qu’il a étudiées lors de sa résidence à la Casa de Velázquez (2016-2017). Sobriété, équilibre et densité caractérisent ainsi les dernières compositions de Giorgio Silvestrini dont les objets, parfois ordinaires, dégagent une intense aura. Il faut dire que l’influence de la peinture métaphysique de De Chirico se fait aussi prégnante. Comme si Giorgio Silvestrini nous invitait à aller au-delà des apparences, et à nous demander si un sens caché demeurait derrière le visible. En ce sens, la présence inédite de figures humaines, qui apparaissent désormais dans ses toiles, dynamisent encore les mises en scène, tels des acteurs qui sauraient interagir avec les objets, les sonder, et offrir aux natures mortes une trame narrative plus complexe et animée.
​​
​
​​​​​
Anna Battiston
​
La metafisica del post moderno
Juliet Art Magazine, décembre 2018
​
​
« Prendete la vita con leggerezza, che leggerezza non è superficialità, ma planare sulle cose dall'alto, non avere macigni sul cuore » Italo Calvino
La galleria Eva Hober di Parigi inaugura l’inizio dell’autunno con una mostra interamente dedicata a Giorgio Silvestrini. D’origini siciliane, l’artista porta preziosamente con sé il bagaglio della classicità mediterranea, dalla metafisica italiana, alla pittura spagnola del Secolo d’Oro, o di Francisco Zurbaràn, che l’artista ha studiato durante l’anno della sua residenza alla Villa Velazguez, Académie de France à Madrid.
Rappresentare il reale sino alla sua concretezza materica, questo è il lavoro del giovane pittore palermitano, che raccoglie nello spazio del suo atelier oggetti dimenticati per crearne i personaggi di un mondo kafkiano sospeso tra entità metafisiche e paesaggi inventati.
Stoffe del mercato San Pierre di Parigi, vecchi abiti da soffitta, palline da tennis, piante grasse, piume colorate o bastoncini giapponesi, sono rappresentati nel loro reale essere nello spazio, l’artista ne trae pittoricamente le pieghe, le ombre, la consistenza ed il peso, per scombinarne in seguito i legami di significato attraverso la composizione.
Di quest’ultima egli si serve per creare una realtà nuova, in cui è possible giocare con la prospettiva classica cosi come sulle strutture razionali del nostro rapporto con il mondo : « Per quanto riguarda le mie ultime tele » racconta l’artista in un intervista a François Salmeron « le definirei come degli spazi mentali. Nessun elemento ci permette di sapere dove e quando ci situiamo. Lo spazio della tela riunisce molteplici oggetti. E le relazioni che ho tessuto tre di essi sono quanto più inattese ».
Gli oggetti utilizzati dall’artista, separati dal proprio contesto, diventano soggetti, che partecipano insieme ad un teatro dell’assurdo : sono Generali fantoccio, come nella serie che si ispira al membro italiano del famoso gruppo Cobra, Enrico Baj, o Magistrati, autorità statali « fragili, come la legge che difendono ».
Tra gli anti-eroi che ricordano i manichini di De Chirico, compaiono le sculture dei Maestri della storia dell’arte, da André Derain, a Alberto Giacometti e Arturo Martini, come se l’artista si ponesse nella continuità della storia dell’arte che lo formò, in Italia dove fece i primi di anni di studio, all’Accademia di Brera, e alle Belle Arti di Parigi.
Se nelle prime tele le immagini erano presentate frontalmente, in opere come Indian Red del 2018, o Isabelle, dello stesso anno « é lo spazio stesso che diventa frontale. Le tavole, che servono da supporto per gli oggetti, formano delle superfici disegnate con una linea d’orizzonte molto elevata. Le superfici sono prese dall’alto. Cosi come gli oggetti disposti su di esse danno l’effetto di essere incollati sopra ».
La prospettiva è invertita, e ricorda piuttosto le tele del Tintoretto, in cui l’osservatore si ritrova immerso in una scena teatrale. Nella commedia di Giorgio Silvestrini gli oggetti dialogano tra di loro, e raccontando le storie più insolite scritte dalla mano del pittore, in un atmosfera di colori pastello, che richiamano la tempera degli affreschi del Rinascimento italiano.
Cosi le tele di Giorgio Silvestrini si situano tra magico e reale, creando una possibile « visone metafisica delle cose, che invita a rimettere in questione la realtà », leggermente, come un gioco, planando sulle cose come disse Italo Calvino.
​
​​
​​​​
Anne-Laure Peressin
​
La commedia dell'arte de Giorgio Silvestrini
L'officiel des galeries et des musées, septembre/octobre 2018
​
​
Jeremie Ferrer Bartomeu
​
Le bouleversement de l’ordre d’un monde, et retour
Catalogue des artistes de la Casa de Velázquez, 2017
​
Du premier chaos, de la masse informe des choses et des matières, il convient de mettre ou de remettre de l’ordre, de restaurer les secrètes correspondances qui travaillent pêle-mêle les amas flous que sont une canette, une balle de tennis, un tissu — sa matière, son poids, son moirage — comme leurs ombres portées et les imaginaires parfois faussés qui sédimentent en fines strates dont on a perdu l’origine.
L’exercice de révélation est un geste modeste. Il partage en cela la passion pour les listes, extraire du chaos, organiser et nommer les choses, listes qu’affectionnait tant Sei Shônagon, la dame d’honneur de la princesse japonaise Sadako au début du XIe siècle, qu’évoque Chris Marker dans Sans Soleil.
« Shônagon avait la manie des listes : liste des “choses élégantes”, des “choses désolantes” ou encore des “choses qu’il ne vaut pas la peine de faire”. Elle eut un jour l’idée d’écrire la liste des “choses qui font battre le cœur”», pose le narrateur de Sans Soleil sur des images d’un Japon très contemporain.
Cette restauration de l’ordre d’un monde sensible, le sien propre, tient sans doute dans l’appréhension de formes et de matières qui, légèrement choquées entre elles dans le secret de l’atelier, produisent sens et regard nouveaux; c’est l’effort d’un geste tant ironique que démiurgique, il produit un discours graphique qui trouve son expression tantôt dans la série, tantôt dans une technique nouvelle.
La nécessaire restauration — et donc son invention — d’un monde suppose chaos, désordres, angoisses latentes qui stimulent la quête des supports qui vont fixer le discours. Ironiquement, rien de noble a priori dans ces supports, objets glanés, issus du plus plat des quotidiens. Mais montés les uns les autres, à la manière d’un dispositif technique, à l’instar de ceux forgés par l’orfèvre ou l’horloger, ils permettent le surgissement de correspondances nouvelles, inconnues et fonctionnelles, et font entendre la petite musique des profondes aspirations de l’artiste.
La série des Magistrats, entamée il y a de cela deux ans, ne portait pas, naguère, ce nom. C’était la série dite des Généraux. Comme si, dans le geste de mise en ordre du monde de Giorgio Silvestrini, on était fictivement passé de la guerre à la paix, du chaos à la loi, de l’absurde à un monde rationnel et apaisé. Toutefois, ces Magistrats sont fragiles, comme la loi qu’ils défendent. Ils ne sont personne, et le siège de la raison, leur tête, est un gros ballon de baudruche. Le personnage ainsi invisibilisé renvoie à la figure anonyme de l’ordre froid, du monstre de l’État et de l’autorité mécanique. La paix n’est pas gagnée, la raison ne triomphe jamais définitivement, l’angoisse d’un chaos perpétuel est toujours présente dans l’œuvre de Giorgio Silvestrini qui, pour éteindre la crainte de cet effondrement de l’ordre du monde, à l’instar de Shônagon, poursuit sans relâche sa quête personnelle de remise en ordre.
​​
​
Stefano Castelli
​
Catalogue du17ème Prix Cairo, novembre 2016
​
​
Anna Baldoni
Il quotidiano enigmatico di Giorgio Silvestrini
Arte Mondadori, octobre 2016
​​
​
​
Mériam Korichi
​
L’air d’un sabot qui vire à la peau d’anguille
Communiqué de presse pour l'exposition personnelle à la galerie Eva Hober, janvier 2015
​
​
​
​Pascal Ordonneau
​
February 2015
​
J’ai parlé de la diversité des formes du discours. Ce fameux « aplanissement » ne le trouve-t-on pas dans la communauté des sujets du discours? Giorgio Silvestrini en appelle-t-il au langage de l’absurde, façon Magritte? En est-il un suiveur, reprenant non pas tant le style du maître que la clarté qui nimbe si souvent ses œuvres. J’ai usé du terme, abusif pour les amoureux de la bande dessinée, de « ligne claire » pour qualifier ces œuvres qui ne cherchent dans le processus de création à user du flou, du clair-obscur, des ombres orientées, des dégradés délicats ou des plaies béantes d’où suppure des liquides innommables.
Le travail de Giorgio Silvestrini est serein et lumineux. Le temps a été banni. Pas de repère, puisque pas d’ombre. Les sujets sont étranges, les titres surprenants? S’agit-il seulement de sujets? Ce sont sûrement des objets. Consistants et pesants. Denses comme tout objet qui se respecte s’inscrit dans l’espace. Peu importe, le rendu est limpide, les objets simplement présentés même s’ils s’ont plus souvent qu’à leur tour les frères de ceux que Lautréamont faisaient se rencontrer sur une table d’opération!
Il y aurait quelque parenté avec Morandi? on dira qu’il faut bien qu’entre Italiens, se trouve une communautés d’accents! J’ai beaucoup aimé: Vainqueur, dont on se demande s’il s’agit d’un corps enveloppé dans un linceul et suspendu au-dessus d’un étrange matelas. Mais aussi, Followers, deux mannequins de vitrine élégamment vêtus qui paraissent attendre l’autobus. « Sans titre 2014 » donne à voir un matelas, peut-être, suspendu au-dessus de l’eau.
Pas un moment de vulgarité. Peinture élégante. Qui intrigue. On dit qu’un roman est bon lorsqu’on le lit jusqu’au bout sans s’en rendre compte. La peinture de Giorgio Silvestrini est de ce type
​​
​
​
Benoit Blanchard​
​
Oeuvres-revue.net, janvier 2015
​
Destin familial? Giorgio Silvestrini produit une peinture italienne; l’Italie des coins de fraîcheur ponctués de portemanteaux
surchargés hiver comme été, celle des intérieurs au vide métaphysique, digne et drolatique, des grandes masures où cohabitent plusieurs générations, et où les visiteur d’un jour trouvent toujours un fauteuil disponible du moment qu’ils comprennent que celui-ci est exclusivement réservé aux membres de la fratrie. Il s’agit donc d’une peinture riche, prodigue, comme le sont les personnes qui connaissent le prix des choses, parcimonieuse et à la foi pleine de surprises dans ses accords de tonalités proches de ceux du costume d’arlequin. C’est l’histoire d’un rire-aux-larmes où règne l’équilibre classique des goulots d’étranglement. L’exposition des travaux de Giorgio Silvestrini à la Galerie Eva Hober a quelque chose d’un inventaire sentimental, chaque sujet semble être extrait d’une lettre amoureuse. L’humeur y est badine, assurée bien que mâtinée d’hypochondrie. Il y a là un arbre à chat raccommodé, des décorations d’anniversaire réutilisées plusieurs fois puis soubliées sur place et devenues permanentes posés sur de grand aplats qui trahissent l’application avec laquelle les sols et chaque surface sont régulièrement briqués. La diversité des linges présents dans les tableaux en attestent. Ici des torchons, là des chiffons pour astiquer les meubles, de vieux chiffons, des gris, des beiges, des blancs, tous plus ou moins imbibés de cire et de jus de citron; on trouve aussi d’antiques pièces de créateurs, usées mais impeccablement entretenues; une balle de tennis – sport que l’on pratiquait assidument avant que le cours ne fut abandonné faute d’avoir pu être entretenu; une couette séchant sur un fil à linge, le nécessaire pour la battre, et finalement beaucoup plus de pièces de tissus que l’on aurait pu se l’imaginer. C’est que dans ces familles-là, on ne rigole pas avec la qualité des étoffes.
​
​
​Léa Bismuth
​
Texte pour le catalogue de Possibles d’un monde fragmenté, exposition étudiants félicités de l'ENSBA, 2014
​
​
​La peinture de Giorgio Silvestrini dégage une impression d’apaisement, mais il ne faut pas se méprendre : des formes sont tapies, des temporalités se battent les unes contre les autres. Ainsi de petites têtes en tissus sont plantées sur des bâtons comme des marionnettes faites à la va-vite pour des enfants d’un temps révolu. Tout est là pour nous rappeler que la réalité est une construction et que les ombres sont artificielles. L’ambiguÏté règne. Faut-il sourire avec nostalgie face à ces ambiances aux couleurs pastelles ? Ou bien ressentir une angoisse latente qui se dégagerait de ces scénettes ? La peinture est le fruit d’un travail dans l’espace : Giorgio Silvestrini réalise dans un premier temps des maquettes — fragiles structures en bois et tissus chinés a-et-là — qu’il agence et qui lui serviront de modèles. Il aime laisser apparent le côté artisanal et parfois précaire de ces petites poupées et autres créations de papiers. Ainsi, lorsqu’il peint de petits avions suspendus dans les airs, c’est en laissant les fils ; lorsqu’il s’empare d’un bouton maladroitement cousu sur un bout de tissu, on pense immédiatement à un raccommodage de fortune. Progressivement, les tissus se font drapés, et deviennent comme des vagues. Les espaces se ramifient, se complexifient et surgissent par le travail matiéré de la couleur. En effet, les surfaces colorées qui composent les tableaux sont comme habitées et confèrent une présence d’autant plus forte aux objets disposés sur elles. Le spectateur est constamment pris dans un double mouvement : à la fois interpellé et mis à distance, il finit par se dire que cette peinture est un langage aux règles secrètes, allant m e parfois du côté e l’absurde existentiel.
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
